jeudi 22 octobre 2009

HADOPI : on a gagné !

Quel soulagement... ON A GAGNÉ !

Pour preuve, le toujours fringuant député socialiste Patrick Bloche s'est félicité « que le Conseil constitutionnel ait suivi les griefs portés par les parlementaires socialistes en censurant les dispositions de la loi qui créaient un déséquilibre manifeste entre les droits de la défense et les parties civiles. »

Peu importe donc que le Conseil ait validé l'intégralité de la loi en ne censurant que l'article permettant de fixer des dommages et intérêts par voie d'ordonnance pénale, quitte à ouvrir la porte à son retour par la fenêtre... l'important voyez vous était qu'il censure juste cet article, là, maintenant. Le reste, la suite, c'est du détail.

Peu importe en effet que, désormais, des délits complexes à démontrer puissent être examinés dans le cas d'une procédure expéditive par un juge unique sur la base d'un dossier transmis par le parquet mais monté par une autorité administrative à partir de relevés d'adresses IP réalisés par des sociétés privées pratiquant la recherche pro-active d'infractions pénales à grande échelle, activité à l'origine réservée à la police judiciaire dans des cas très particuliers.

Peu importe, de même, que les agents de cette autorité administrative disposent, notamment, du pouvoir d'accéder aux données de connexion alors qu'auparavant, sauf affaires de terrorisme, seuls les forces de police sous le contrôle de l'autorité judiciaire pouvaient le faire.

Peu importe aussi que nul ne sache quand commence la négligence caractérisée, et que ce délit constitue un renversement de la charge de la preuve puisque l'internaute devra en fait prouver qu'il a pris les mesures adaptées pour sécuriser sa connexion alors que ceux qui l'accusent n'ont en main qu'un relevé bidonnable par n'importe quel gamin capable de casser une clé WEP. Et peu importe aussi que, au moins sur le papier, l'on puisse imposer aux français d'installer des mouchards dont on ne sait pas encore ce qu'ils enregistreront, filtreront, bloqueront... pardon sécuriseront... ces détails relevant désormais du pouvoir exécutif.

Peu importe donc ces dérives, le fait qu'elles puissent par la suite être étendues, le flou, la disproportion qui les caractérisent, le pied dans la porte qu'elles constituent. Peu importe aussi la punition collective que constitue la coupure d'accès d'un foyer tout entier et la société orwellienne que cette loi dessine... on a gagné, on vous dit !

Et vous savez quoi ? En fait, on avait déjà gagné avant même la décision d'hier !

Patrick Bloche l'a dit aussi : le Conseil nous a en fait sauvé lors de sa précédente décision en faisant en sorte que ce soit l'autorité judiciaire qui s'occupe du prononcé de la sanction. Et l'avocat le plus trackbacké de la blogosphère française ne dit pas moins. Ainsi telle une Madame Irma judiciaire, Éolas prédit que le juge unique freinera la sauvagerie répréssive des majors en n'acceptant pas la mise en oeuvre de la procédure expéditive d'ordonnance pénale à laquelle tous s'opposeront de toute façon engorgeant ainsi les tribunaux à la joie, sans doute, des avocats.

Alors certes, ce juge ne pourra pas toujours s'opposer à l'intention du législateur, ce n'est pas son rôle et parfois il pliera. Quand Éolas déclare que « la plupart des demandes d’ordonnances pénales seront rejetées », il nous y prépare. La plupart sur combien ? Au fond peu importe. Il en faut des martyrs... et puis ces benêts, à défaut de se payer un bon avocat a posteriori, n'avaient qu'à chiffrer, tunneliser, masquer leurs bits, passer dans la clandestinité numérique car voyez vous, cette loi, elle est inapplicable techniquement donc peu importe son horreur juridique !

D'autant que les FAI vont présenter une telle facture à l'État qu'il renoncera à la coupure en masse, préférant cibler les plus grossiers pirates et dépenser l'argent du contribuable en frais de recommandés misant sur la menace... pardon la prévention...

On a gagné donc ! Quelle victoire éclatante des socialistes ! Quelle avancée historique pour la démocratie que cette décision éclairée des Sages qui va mettre en évidence la grandeur de la Justice. Quelle belle journée !

... et dire qu'il y des rabat-joies comme RSF qui voudraient la gâcher. Savez vous ainsi ce que ces tristes sires osent dire ?

« Balayant d’un tour de main l’avancée historique de sa décision du 10 juin 2009, le Conseil constitutionnel entérine le principe de suspension de l’accès à l’Internet prononcée lors d’une procédure expéditive. C’est oublier complètement un droit fondamental à la base de notre démocratie : la liberté d’accéder à l’information. Il faudra donc être extrêmement vigilant dans l’application de la loi ».

Et d'ajouter même, décidemment pisse-froids :

« La loi HADOPI 2 donne l’illusion de garanties judiciaires, pourtant déclarées indispensables le 10 juin dernier. Or, le contrôle du juge n’est qu’un rideau de fumée destiné à masquer le caractère administratif et automatique d’un juge unique, se prononçant sans débat et sans obligation de motivation. ».

Ah, ces journalistes qui s'opposent à tout, par principe...

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